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les personnages dans tous les matins du monde

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Message par Marion Morère Sam 29 Jan - 19:08

Les personnages dans Tous les matins du monde.

I.Les personnages masculins
A. Sainte Colombe

Dans La leçon de musique, Quignard écrit beaucoup sur Marin Marais en se basant sur Titon du Tillet. Ici, il s'intéresse à Sainte Colombe. Il conserve l'image d'un violiste exceptionnel, plus brillant que son maitre Hotman. Il maintient l'image d'un pédagogue bourru qui n'hésitait pas à renvoyer un élève. Il rappelle également qu'il a composé plus de 200 pièces de viole qu'il n'a pas fait imprimer. Il modifie en revanche l'idée selon laquelle il aurait renvoyé Marin Marais par amour-propre et jalousie. Sainte Colombe garde une supériorité musicale chez Quignard. Celui-ci met en scène un personnage dont on ne connaissait que quelques éléments, le fait sortir de l'ombre de l'Histoire pour lui donner vie en comblant les trous. Il en fait un janséniste (ce qu'il n'était pas, mais peut-être protestant).

1.Seul personnage auquel est accordé un portrait:
Au chapitre II, on a un portrait physique «haut, épineux, très maigre, jaune comme un coing, les lèvres serrées, cheveux noirs,...». Silhouette et expression sont identifiables pour lui. On a également un portrait moral «il n'était pas aussi froid qu'il en avait l'air». Sainte Colombe est un être maladroit dans le geste et dans la parole, dans la relation humaine. Il avoue ce malaise à ses filles «il ne s'entendait guère à parler» et rappelle que leur mère parlait avec plus d'aisance et que c'est pour cela qu'elle lui manque. C'est un personnage qui a parfois des accès de colère traumatisante mais aussi des moments de tendresse: il est inconstant, imprévisible. Il est caractérisé par son silence, son côté impénétrable et très pudique concernant sa vie personnelle.
Chapitre III: «le caractère de Monsieur de Sainte Colombe et son peu de disposition au langage le rendait d'une extrême pudeur et son visage demeurait inexpressif et sévère quoi qu'il sentit.» Le narrateur connait un peu l'intériorité de son personnage. Le portrait du chapitre II se termine sur la posture du musicien. On découvre aussi le personnage par son comportement (portrait en action).
2.un personnage janséniste:
Il est janséniste par son renoncement au monde, son retrait de la vie sociale, de tout le caractère artificiel du monde social. Il ne veut pas avoir à faire à tout ce qui touche à l'avoir et au pouvoir. (chap. IV et V). Il revendique son retrait comme un retour à l'essentiel. Pour lui, la richesse est dans un rapport étroit à la nature. Le discours de Sainte Colombe répond à Caignet dans ses maximes. Il ne parle jamais pour ne rien dire. Sainte Colombe apparaît comme un homme qui sait que l'essentiel est dans le dépouillement et dans la vie intérieure.

3.un homme qui n'est pas détaché de la chair:
Sainte Colombe est aussi un homme de désir, un homme sensuel. Il utilise toujours un langage très sensoriel pour parler de la musique. Les sens sont extrêmement réceptifs. Il aime le vin (chapitre II) et fume la pipe: il est ici proche des plaisirs terrestres. Au chapitre III, il caresse les cheveux de Toinette en buvant du vin. Cette boisson ainsi que les gaufrettes sont souvent associés à l'exercice de la musique (chap. VI)
Son désir pour sa femme est très présent dans le texte et il l'exprime à son apparition chapitre IX, chapitre XV: «je ne sais comment dire, madame. Douze ans ont passé mais les draps de notre lit ne sont pas encore froid», chapitre XX: «je souffre, madame, de ne pas vous toucher», chapitre I: «au bout de trois ans son apparence était toujours dans ses yeux. Au bout de cinq ans, sa voix chuchotait toujours dans ses oreilles.», chapitre VI: «il semblait à sa femme, à ses hanches, et à son grand ventre qu'il lui avait donné deux fille». Il fait en fait référence au fait que Sainte Colombe a convoité Guignotte «et ses cheveux dénoués dans le dos».

4.un homme blessé caractérisé par le manque:
C'est un personnage absolu et en quête d'absolu dans tout son cheminement musical. Il a perdu sa femme, alors il s'enferme dans la musique. Sa fille est malade, il s'enferme dans le silence. Il y a une capacité de souffrance chez lui. Ces comportements agissent par la rupture. Toute situation de souffrance est vécue comme un manque. Il convertit sa souffrance en une discipline du quotidien, en musique: Chapitre XIV: «ce que je fais, ce n'est que la discipline d'une vue où aucun jour n'est férié. J'accomplis mon destin.»

B. Marin Marais

1.un personnage du manque d'une blessure initiale:
Sa blessure initiale est relaté au chapitre VIII: la perte de sa voix. Le narrateur donne à cela une dimension tragique (contrairement à Titon du Tillet qui dit qu'il a quitté sereinement la Chantrerie). La mue représente l'homme rejeté hors de son enfance «puis quand sa voix s'était brisé, il avait été rejeté à la rue [...] Il avait encore honte. Il ne savai plus où se mettre» ; «cette eau qui coulait entre les rives était comme une blessure qui saignait.» ; «il se sentait seul, comme une bête bêlante, le sexe épais et poilu pendant entre les cuisses.» La perte de la voix est évoquée comme une faille existentielle, qu'il va chercher à combler à travers la musique de Sainte Colombe. C'est le seul lien qui existe entre ces deux personnages.

2.une figure d'artiste opposé à celle de Sainte Colombe:
Marin Marais veut se venger sur le plan social, il cherche le succès: «il deviendrait un violiste renommé» (p.30). Il veut réparer ce manque par une revanche sociale et musicale. Pour Sainte Colombe cette idée est inconcevable: «monsieur de Sainte Colombe haussa les épaules.». Dans ce passage du chant à la musique, il y a une blessure identitaire et une blessure sociale, et Marin Marais opte pour une revanche mondaine. Plus Sainte Colombe va dans le dépouillement, plus Marin Marais réussite socialement.
Marin Marais est également opposé à Sainte Colombe sur le plan des femmes: Sainte Colombe est l'homme d'une seule femme, Marin Marais est volage. Il e connait pas et ne décide pas son désir. Il est en quelque sorte pris dans quelque chose qui le dépasse, contrairement à Madeleine. Sainte Colombe, lui, est inscrit dans un désire fort, durable, qu'il connait et parvient même à révéler.
La figure de l'artiste n'est pas dissociable de la figure de l'amant chez Marin Marais. Dans sa quête musicale aussi, il semble complexe et partagé et ne sait pas vraiment ce qu'il cherche. Il a connu sa revanche sociale mais revient sous la cabane car il veut entendre les morceaux secrets de Sainte Colombe. C'est lui qui va à la musique et non l'inverse, contrairement aux femmes. La quête amoureuse ne semble pas faire partie de son cheminement contrairement à la quête musicale qui l'habite et ne laisse pas. Au chapitre XIII, Marin Marais et Madeleine s'embrasse pour la première fois après qu'elle lui ai promis de lui apprendre la musique. Chez lui, l'amour est une relation de désir. Au chapitre XVIII, la synecdoque qu'il emploie montre que c'est comme s'il était à l'extérieur de son propre corps, de son propre désir. Plus loin il fait l'aveu des a nature inconstante et semble accéder à une vérité en prononcant une maxime.
Au-delà de son arrivisme, il y a chez lui une nostalgie à laquelle il essaie de répondre en allant écouter sous la cabane.

C. Baugin

Baugin est la troisième figure artistique qui transparait en arrière-plan. Il apparaît surtout dans le chapitre XII. Seule intervention: «Je crois que vous vous égarez [...] j'aime l'or. Personnellement je cherche la route qui mène jusqu'au feux mystérieux.» il n'est pas désintéressé et accorde de l'importance à la réussite sociale. En cela, il s'assimile à Marin Marais. Il mène une quête du mystère artistique, une quête métaphysique. En cela, il se rapproche plutôt de Sainte Colombe.


II.les personnages féminins
A. Madame de Sainte Colombe

C'est une apparition qui n'accède pas vraiment au statut de personnage. Elle incarne la nostalgie d'un bonheur et d'un amour perdus. Elle renvoie à quelque chose de terrestre: elle goute le vin et la gaufrette, et évoque son propre corps lorsque Sainte Colombe veut l'étreindre. Elle souffre de ne plus être que du vent. Elle a presque un statut de muse. C'est une image rassurante, maternelle et confiante. Elle se fait imitatrice à la parole. Elle apparaît au chapitre VI (d'abord sous une forme impersonnelle; elle écoute la musique de Sainte Colombe) au chapitre VII, IX (son apparition permet la parole de Sainte Colombe, sa voix est associée à la musique, il veut l'étreindre, elle le repousse et disparaît quand il part chercher du vin.), XV (elle apparaît après qu'il est joué l'office des ténèbres dans la chapelle de Madame de Pont-Carré après la mort d'un janséniste, elle apparaît ici comme une image de guide; ils rentrent en carrosse, elle lui rappelle la place que le silence prenait dans leur amour, elle apparaît comme une femme nourricière avec l'image des pêches.), XX (au moment de la Grande Persécution des jansénistes; elle observe les mains de Sainte Colombe et l'encourage à jouer.) Elle apparaît comme une mère tout en gardant une dimension sensuelle forte

B. Toinette

Toinette incarne une pulsion de vie extraordinaire. C'est un personnage très charnel (et très physique dans toutes ses apparitions, même petite -> chap. III. Elle manifeste ses désirs de manière colérique. Elle montre son caractère charnel en séduisant Marin Marais -> chaps. XVI et XVII). Il n'y a chez elle aucune nuance de morale. Même si elle est dans la pulsion, elle sait ce qu'elle veut et sait ce qu'elle fait. Elle est en totale opposition avec sa sœur.

C. Madeleine

Madeleine est caractérisée par sa maigreur. Elle est vue de l'extérieur. Comme sa mère, elle est une image protectrice et rassurante (chap XIII: elle console Marin Marais de son renvoi)

1.Une initiatrice et une médiatrice:

C'est elle qui va à la rencontre de Marin Marais (chap VIII: «Madeleine le trouva très beau et le fit entrer dans la salle», chap X: «Parce-que je vais me baigner, dit-elle, je vais relever mes cheveux». Elle suggère un fantasme par évocation sensuelle. «il vit, dans l'ombre que faisaient les feuillages, une jeune fille longue et nue qui se cachait derrière un arbre», chap XIII: «elle le prit par les épaules [...]. Ils s'embrassèrent.»)
Elle est aussi médiatrice dans la musique:
chap XIII: «Je vous enseignerais tout ce que mon père m'a appris.», chap XIV: «Madeleine lui montrait sur sa viole tous les tours que son père lui avait enseignés. Debout devant lui, elle les lui faisait répéter [...]. Ainsi ils se touchèrent.». Lors de la première leçon, c'est Madeleine qui prête sa viole; au dernier chapitre, elle est encore médiatrice à travers l'objet.

2.Un double de son père:

Dans son enfance elle est toujours silencieuse (chap II: «Madeleine ne se plaignait jamais. À chaque colère de son père, elle était comme un vaisseau qui chavire et qui coule inopinément . Elle ne mangeait plus et se retirait dans son silence.») Ele ressemble beaucoup à son père aussi physiquement, par cette maigreur qui leur donne un statut tragique. Dans ce repli dans le silence elle est un double plus intensifié, plus hypertrophié de son père.
«mince, très mince, maigre, si maigre» -> la maigreur chez elle est signe de mort, de rupture avec la vie.
«Sainte Colombe caressait le visage osseux de sa fille»
chap XXIV: «vos joues sont creuses, vos yeux sont creux, vos mains sont tellement maigries» , «vous avez tellement maigri».

3.Un personnage caractérisé par la mort:

Tout la relie à la mort en plus de sa maigreur. La mort de sa vie amoureuse, l'enfant mort-né. Tout le chapitre XXV est consacré à sa pendaison. La mort est, chez elle, indissociable de l'amour, du don total de soi. Elle meurt de ce don, de cette forme d'amour absolu. De la même façon que Sainte Colombe va créer une rupture avec le monde, à la mort de sa femme. Elle se pend avec les lacets des chaussures que Marin Marais avait fait faire pour elle.
Chap XVIII: Lorsque Marin Marais la quitte, «elle lui prit des mains les cordons des chausses et les porta à ses lèvres». C'est un motif qui revient de façon symbolique. «L'amour que tu me portais n'est pas plus gros que cet ourlet de ma chemise»

4.Madeleine ou la quête d'absolu:
Elle ne trouve pas de salut. Son père a transmué sa peine dans la musique, la musique devient son lien à la vie comme à la mort. Madeleine, différemment à son père ne trouve pas son salut dans la musique car elle s'est dépossédée de son art au profit de Marin Marais; elle n'a rien gardé pour elle. Elle s'est faite passeuse de son âme. Chez elle la musique est toujours médiation. Dans un premier temps, c'est par son père qu'elle apprend la musique, une musique qui n'est pas la sienne mais celle de son père. Ensuite c'est elle qui transmet ce savoir à Marin Marais. Elle n'a pas atteint de liberté ni d'autonomie dans le monde musical. Madeleine meurt de ne pas avoir atteint sa liberté dans la musique.

Marion Morère

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Date d'inscription : 21/11/2010

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