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La culture

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Message par Flora Sam 4 Déc - 19:10

--> L'opposition nature/culture :

Héraclite, Fragment 26 : « Pour les Hommes cultivés, la culture est un second Soleil. » :

L'Homme est un corps et un esprit, la rencontre d'une chair et d'une âme. La chair a besoin pour croître d'un astre physique qui lui procure lumière et chaleur. Mais ce qui fait croître l'esprit, qui permet à toutes ses facultés de devenir manifestes, c'est la culture. Pour Héraclite, l'inculture est une désorientation et une privation aussi importante que celle de lumière et de sommeil. La culture est la condition de la vie morale.

Hölderlin (allemand, XVIIIème/XIXème siècles) : « Tout ce qui nous est propre, il nous faut l'apprendre comme tout ce qui nous est étranger. » :

Au fond, notre identité n'est rien d'autre qu'un processus d'identification, et ce processus passe par la médiation de la différence. Par exemple, nos yeux peuvent tout voir, sauf nous-mêmes : nous sommes toujours déjà étranger à nous-mêmes. Le miroir n'est qu'une chose : nous ne pouvons saisir notre propre image que par la médiation d'une chose très différente de nous. Par définition, le seul savoir qui nous est interdit est le savoir de soi. Pour connaître une chose, il faut nécessairement en être séparé : il faut qu'il y ait différence entre le sujet connaissant et l'objet connu. Or il faudrait que je cesse d'être moi pour me connaître moi même, comme le dit Angélus Silésius : « Ce que je sais je ne le suis, ce que je suis je ne le sais. ». On ne peut comprendre notre identité que différentiellement. Notre propre ne nous est pas donné immédiatement, il nous faut le conquérir. On a besoin d'un miroir (physique ou moral) pour connaître notre propre. C'est par les yeux de l'ami que nous nous connaissons le mieux, et c'est en ce sens qu'il faut comprendre la formule de Platon « Les yeux sont le miroir de l'âme ».

Auguste Comte (théoricien du positivisme, français, début XIXème siècle) : « L'humanité est composée de plus de morts que de vivants. » :

La culture, c'est l'héritage des morts. Se cultiver, c'est se décentrer, prendre conscience que les vivants ne sont pas le centre du réel : il y a plus de morts et il faut les écouter. Ils nous parlent en permanence dans les livres et les oeuvres d'art ; on peut dire de l'art qu'il est spectral. La culture est constituée par la parole de gens qui ne sont plus, c'est l'idée que la parole d'un mort vaut au moins autant que celle d'un vivant. Il n'y a de culture que par une conscience historiqu? Se cultivern c'ets rendre hommage à cette précédence. On commence à se cultiver lorsque l'on est capable de sortir de l'instantanéité. La culture est un dépaysement temporel.
René Char (français, XXème siècle) : « Notre héritage n'est précédé d'aucun testament. » :

L'héritage est universel, personne n'est propriétaire de la culture : quand on la transmet on ne la perd pas, contrairement à la matière (pour elle, donner = perdre). Le testament est ce qui définit l'usage de l'héritage. Char veut dire ici qu'on nous lègue la culture sans mide d'emploi : il faut se la réapproprier pour pouvoir la réutiliser.


N'y a-t-il de culture que du passé ?

Culture -> Latin colere = Travailler la terre (-> agriculture)
Rendre un culte (reconnaissance d'un ordre supérieur)

Nature / Culture
Immédiat / Ensemble de médiations
Spontané / Réfléchi
Instinctif / Pensé
Donné (-> es gibt = il y a) / Construit
Matière (mater = mère) / Esprit
Essence / Apparence, illusion
Chaos / -
Antériorité / Postérité

L'Homme civilisé utilise couteau et fourchette pour manger, et ne se jette pas sur la nourriture. D'un point de vue matérialiste, ça ne change rien au final. À quoi sert de faire la cour ? À retarder le moment de l'amour. L'homme cultivé est celui qui est capable d'attendre. Ce qui rend possible cette attente est le temps de penser, mais aussi le temps du désir.

Pulsion -> N'importe quelle chose tout de suite, indétermination
Désir -> Singularité, idée d'une élection
-> Désir du bonheur qui anime tous nos comportements.

Pour Hegel (philosophe allemand, début du XIXème siècle), l'Homme a vocation à être libre. La nature est ce qui conteste cette liberté, c'est la négation de la liberté humaine. La nature pour l'individu, c'est la famille. On ne choisit pas sa famille : elle s'impose à nous d'une manière telle qu'elle conteste notre désir d'épanouissement. Dans la perspective hegelienne, la culture est la négation de cette négation. Qu'est-ce qui contrebalance cette famille non choisie ? L'amitié, qui est un fait culturel, une affinité élective qui vient nier la famille naturelle. La relation amicale ne s'impose pas, et on peut y mettre un terme. La culture est donc l'affirmation de la liberté humaine en niant la nature (- + - = +). La famille morale est un fait de l'esprit qui est proprement humain. De même, la culture spiritualise le corps. On affirme notre toute-puissance en niant le corps qui nous est imposé par le maquillage, par exemple.
On retrouve une forme d'immédiateté dans la culture qui nie notre liberté comme le ferait la nature (ex : accident de voiture), mais peut à son tour être niée par elle-même (ex : prothèse).

Au fond, la culture est un processus d'appropriation, en trois sens :
-> S'approprier une chose, c'est la dominer (alors culture = processus par lequel l'Homme soumet la nature, c'est la témoignage de ce que Nietzsche appellerait la volonté de puissance -> c'est s'affirmer soi).
-> L'appropriation peut être synonyme d'harmonie (alors culture = ensemble des dispositifs par lesquels l'Homme cherche à entrer en harmonie avec la nature).
-> S'approprier, c'est rendre propre (alors culture = processus d'identification, quête identitaire, tentative de réponse à la question « Qui sommes-nous ? »).

Les illusion naturelles sont les effets du processus de domestication :
-> La forêt : Il n'y a plus une seule forêt naturelle en Europe, il n'y a que des grands jardins, des forêts plantées par l'Homme. Ce sont des conséquences de l'esprit humain, des effets de la pensée : dans la plupart des forêts, il y a un espacement entre les arbres qui est tel qu'un cheval puisse passer. Une forêt naturelle est une jungle, et dans une jungle notre espérance de vie est d'environ 48h, sauf pour certaines tribus. En allant en forêt, on cherche une nature idéale, et non la nature dans sa réalité immédiate, ultraviolente, cruelle et injuste. On voit une nature filtrée par l'esprit, une nature qui serait douceur et abondance, innocence et ordre. Cela correspond à la vision du jardin d'Eden. La culture s'approprie la nature pour la rendre édenique, la ramener à son origine. Dans un jardin, la nature est tellement appropriée qu'elle est soumise à la rationnalité des mathématiques. L'esprit écrase complètement la nature.
-> Le chien : La nature de fait pas de chiens, elle fait des loups. Elle fait un animal dangereux, rusé,... Le chien est le loup spiritualisé, croisement après croisement. On a créé un être qui a irrationnellement foi en l'Homme car l'Homme l'a créé pour avoir cette fonction. C'est une sélection spirituelle. Le chien est l'instrument de notre volonté qui fera tout ce qu'on lui demande, mais suffisamment bête pour ne pas qu'il puisse se révolter. Le chien est l'effet de la culture, le fait de siècles et de siècles de sélection raciale. On fait ainsi garder un troupeau à un animal dont la nature serait de le dévorer. Le chien permet de retourner la nature contre elle-même. Les félins, les ours, les iguanes marins des îles Galapagos semblent résister à la puissance de l'esprit. Les deux outils de domestication sont la nourriture et la souffrance. C'est avec ces deux moyens que l'Homme a réussi à créer des espèces. Beaucoup des animaux que nous voyons sont des chimères de l'esprit.
-> Les terrils (montagnes de scories minières) : Certains sont devenus des collines, de la végétation y a poussé et ils se fondent dans le paysage naturel. Dans certaines régions, la géographie est ainsi l'effet de l'industrie minière (idem pour les champs de batailles de la Première Guerre mondiale, avec les mouvements de terrains dûs aux obus).


--> La culture comme seconde nature :

Platon, Protagoras. Le mythe d'Epiméthée et de Prométhée.

Ce texte présente une anthropogonie. Pour les anciens, la raison est toute entière légendaire, c'est-à-dire musicale. C'est notre monde contemporain qui est fondé sur l'opposition logos/muthos. Ce mythe n'a rien d'irrationnel : les êtres mortels sont apparus après les immortels.
Pour les Grecs, les hommes sont nés de la terre, l'un des cinq éléments avec l'eau, le feu, l'air et l'éther (substance fluide et incorruptible qui est l'élément du divin). Epiméthée représente l'idiot, Prométhée l'intelligent. Tous deux sont des Titans, et ont une mission céleste qui consiste en une distribution ontologique. Épiméthée se charge seul de cette distribustion, et il opère selon un principe compensatoire : ce n'est pas un partage égalitaire au sens strict, mais équitable. Il donne à chacun un moyen différent de subvenir à ses besoins. L'équité est l'égalité réfléchie, capable de tenir compte de la réalité ; c'est corriger une injustice par une injustice. Il ne distribue à personne une puissance qui lui permettrait de dominer tous les autres et crée ainsi une harmonie interespèces pour qu'aucune ne puisse détruire les autres.
Mais dans son partage, Epiméthée oublie de pourvoir un être : le partage est donc mauvais. À ce stade, il y a un être mal lotti : l'Homme est l'oublié de la nature. Initialement, le propre de l'Homme est de ne pas en avoir, il est l'être par défaut. Ce qui caractérise l'humanité, c'est son impuissance ontologique. Sa nature est un défaut de nature.
Ce qui était au départ une vacance devient une liberté par la médiation de la connaissance et de la technique. L'Homme sans qualités peut s'accapparer les qualités des autres. Il a à devenir ce qu'il peut être par la médiation de l'art et e l'intelligence. On passe d'une situation où il y a un être que tous les autres peuvent détruire à une situation où il y a un être qui peut détruire tous les autres. Cet être est devenu capable de dominer par son art tous les autres. On passe ainsi d'une injustice à une autre, d'une injustice par défaut de nature à une injustice par surcroît de nature. La culture, c'est ce risque par lequel l'Homme s'invente et détermine son propre, et qui implique toujours la destruction du réel.
Le feu est un symbole ambivalent : c'est ce qui révèle dans la clarté, et ce qui détruit dans la cendre. La connaissance est un feu, car on ne peut connaître une chose que si l'on est capable de la détruire. Une connaissance n'est parfaite que lorsqu'elle est peut détruire et produire son objet. L'Homme n'a presque toujours qu'une moitié de connaissance, car il est souvent capable de détruire, d'analyser, de décomposer, mais rarement de produire et de synthétiser. L'expérience Biosphère est un échec car inexplicablement au bout de quelques mois, tout s'est mis à mourir. Les scientifiques ont donc dû être évacués. Notre connaissance est donc analytique, mais non synthétique, car on ne peut reproduire ce que l'on divise. L'Homme n'a pas souvent cette capacité.
La culture, c'est ce qui vient chez l'Homme suppléer un défaut de nature initial. La culture est une nature surnaturelle et surnaturée. La pensée est un acte pur de liberté.

Aristote, Les parties des animaux

La culture a presque un symbole physiologique : la main est ce qui symbolise le génie de l'Homme car elle lui permet de tout saisir. Pour Aristote, la main est le propre de l'Homme. Elle authentifie le caractère protéiforme de l'humanité. Toutes les formes de la culture sont dans la main. L'humanité est compréhensible par la main et par ses différentes figures.
Pour Aristote, l'être le plus intelligent est l'Homme. Au nombre d'outils, on reconnaît la puissance de l'intelligence. Ce qui définit la main, c'est sa plasticité, sa capacité à tenir lieu de tous les autres instruments. La main a des possibilités expressives et instrumentales qui dépassent de loin celles des autres membres. La main peut devenir tout ce dont nous avons besoin. Avec les mains, on peut accéder au langage. La dernière phrase du premier paragraphe exprime une thèse finaliste. Pour Aristote, il y a de la finalité dans les choses, il n'y a pas de hasard. Il faut opposer le matérialisme antifinaliste et le finalisme, ici aristotélicien. Pour le finaliste, il y a du sens dans les choses, dans la matière, ce qui est la preuve qu'il y a une cause finale, c'est-à-dire un principe qui ordonne à chaque chose d'être ce qu'elle est.
La main est l'instrument et l'arme absolus car elle peut s'adapter à toute circonstance, se conformer toujours à la situation particulière dans laquelle l'Homme se trouve. Elle est une puissance fonctionnelle. Elle est un outil qui développe la sensibilité, qui est une sensibilité réflexive. Notre corps n'est pas seulement un corps, il est aussi une chair, ce qui inclut une réflexivité car nous pouvons nous sentir nous-mêmes (ex : caresse). Par la main, l'Homme se sait sensible et sentant. Nous nous savons réflexif et réfléchissant à fleur de peau, par l'expérience tactile.
Aristote finit par souligner la capacité de la main de prévention. Elle permet de s'approprier l'extériorité. La main est l'accessoire parfait de notre volonté. Elle peut être vue comme un symbole de la culture humaine.


Bacon, Novum Organum

Francis Bacon est un empiriste (thèse = toute notre connaissance vient de l'expérience sensible). Novum Organum = « Nouvel outil ». Bacon pense avoir découvert un nouvel outil pour pouvoir progresser dans les sciences.
« Interprète et ministre » : l'Homme n'est un bon ministre de la nature que s'il en est d'abord un bon interprète. L'insterprète est celui qui transfère un sens d'un référentiel sémantique (= langage) à un autre : l'Homme traduit la nature ; et le risque ultime de la traduction, c'est la trahison. Mais si l'Homme doit interpréter la naturen cela signifie que la nature a un langage, et ce langage est les mathématiques. Les scientifiques ont toujours eu pour ambition de réduire la nature à un calcul, à une donnée chiffrée, comme le dit Galilée : « La nature est un grand livre, écrit en langage mathématique ». Le mot « ministre » évoque une idée de gouvernement, de mise en ordre. L'Homme est à la fois le traducteur de la nature et son gouverneur. On ne peut transformer réellement que ce que l'on a appris à comprendre. Toute puissance est indexée à une connaissance. Par exemple, un barrage ne peut tenir que si celui qui le construit sait comment se comporte le fleuve et comprend son fonctionnement. De même, le forgeron ne peut transformer le métal que s'il connaît les règles de la fonte : on ne soumet le métal qu'en lui obéissant. D'après Bacon, il y a deux modes de connaissance : l'observation et la réflexion. L'Homme ne peut exorciser sa nature de second degré que s'il est capable de comprendre la nature de premier degré.
La technique est ce qui fait progresser la science : celle-ci ne eput en effet se développer sans outils et instruments. Dans la science, il existe un cercle vertueux établi entre la théorie et la pratique, entre la spéculation abstraite et la technique. Chaque terme a besoin de l'autre pour pouvoir se développer.
Science et puissance se correspondent. Ce qui étaye le pouvoir, c'est le savoir. On ne peut modifier et détruire la nature que si on la connaît ; on ne connaît réellement une chose que lorsque l'on est capable de la détruire et de la reproduire. Le progrès de la science occidentale est un pouvoir analytique qui cherche à devenir un pouvoir synthétique. Il n'y a que la connaissance parfaite d'une chose qui permette de s'en rendre maître.
La science se traduit par la formulation de lois (= objectivation, formalisation d'une régularité). Il y a de la régularité dans la nature, régularité qui est une régularité causale (les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets). Ces lois permettent de transformer le monde. Elles sont donc généralement susceptibles d'application concrète. Quand la science devient la technique, l'effet devient le but et la cause le moyen.
La culture est donc une technique d'appropriation de la nature.


Rousseau est un philosophe d'expression française du XVIIIème siècle. Ses ouvrages majeurs sont Le Contrat social (dont la théorie est inspirée de John Locke), L'Emile (qui est une réflexion sur l'éducation), Les Confessions et le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Dans ce dernier texte, sa thèse consiste à dire que c'est l'apparition de la propriété privée qui est la racine de l'injustice (« Ceci est à moi » → Injustice). Cet extrait concerne la définition du propre de l'Homme.

Rousseau a envisagé diverses réponses à la question du propre de l'Homme, dont la plupart sont contestables et donc insatisfaisantes (ex : pouce opposable, station verticale, capacité de création d'outils,...). Mais il y a une propriété qui est pour Rousseau incontestable : la perfectibilité (= faculté qui, à l'aide des circonstances, développe successivement toutes les autres). Toutes les facultés intellectuelles ont besoin de faire des expériences pour se développer (privation sensorielle = la pensée ne peut se développer). Le sens a besoin de sensibilité, le sensé a besoin de sensible. L'esprit a besoin de choses empiriques, de contact sensoriel avec le réel pour pouvoir devenir ce qu'il peut être. Les facultés pouvant se perfectionner sont la volonté, l'entendement, la mémoire, l'imagination,... La volonté se perfectionne en devenant moins indéterminée qu'elle ne l'est au départ. C'est avec l'expérience que l'imagination de l'Homme se développe. L'Homme est donc caractérisé par une puissance de développement qui semble étrangère à l'animal. L'animalité n'est pas perfectible parce qu'elle est parfaite (ex : les iguanes marins des îles Galapagos). Il faut opposer la perfection statique animale à la perfectibilité dynamique humaine. L'animal est immédiatement tout ce qu'il peut être ; l'Homme cherche à combler l'écart entre ce qu'il peut, ce qu'il veut et ce qu'il doit. La différence entre humanité et animalité telle qu'elle est définie ici est le fait que l'humanité ait une histoire, motivée par la perfectibilité. La néoténie est le fait que le temps de maturation de l'humain en dehors du ventre de la femme est de plus en plus long (cf. phylogénétique). Plus le temps passe, plus c'est long de devenir un homme (les individus continuent à grandir physiquement jusqu'à l'âge de 22 ans). « Pourquoi l'Homme seul est-il sujet à devenir imbécile ? » → Parce qu'il est le seul à pouvoir devenir intelligent : seul ce qui peut le plus peut le moins.



Sartre, La bombe atomique


La bombe atomique rend possible ce qui ne l'a jamais été: la possibilité de suicide collectif.
Le rapport de l'homme à la mort est modifié. L'humanité n'est plus une abstraction depuis qu'elle peut se donner la mort.
La loi de Gabor: Tout ce qui est techniquement réalisable doit se réaliser et le sera.
Toutes les espèces disparaissent donc l'espèce humaine aussi. La thèse soutenu par Sartre est que la vie et la mort ne sont plus dûs à un fait naturel mais à un effet de la volonté. Par exemple, la contraception: la descendance n'est plus le fait de l'instinct mais l'effet de la pensée.

Remarques historiques sur l'emploi des bombes atomique: il y a une logique pragmatique de la part des états-unis, envahir le Japon est impossible car les japonais sont un peuple trop dévoué et soumis à leur chef. Envoyer deux bombes ferait moins de morts que d'envoyer des troupes. La Déclaration de Droits de l'Homme est signée la même semaine qu'Hiroshima (deux jours avant ?).
L'emploi d'armes pose la question de la morale et de la justice. Dans quelle mesure est-ce juste de détruire mon prochain ?
Le premier trait souligné par l'auteur est la vanité. La bombe ramène toute chose à sa nullité première. Une arme faisant perdre à toutes choses sa densité. Y-a-t-il des armes digne et d'autres indigne ?
Une arme est le témoignage d'une conception du monde. La bombe atomique montre que celui qui l'utilise pense que tout n'est que matière. Ce qui n'est pas matériel n'est pas visible. Un monde qui pense que l'essentiel est visible.
Il y a quelque chose à penser qui n'est pas ma vanité. La bombe atomique est le signe que l'homme s'est approprié presque complètement sa propre existence. De ce point de vue la mort est un phénomène naturel mais aussi un effet culturel.
L'invention de la bombe atomique modifie la situation spatio-temporel physique et sa situation métaphysique. C'est l'histoire humaine en totalité qui a changé de sens. Les hommes de la bombe atomique sont les hommes de la fin. L'apocalypse est une révélation , un dévoilement. Nos ancêtres ont renoncé à utiliser la bombe atomique. Nous sommes les héritiers de leur volonté sans laquelle il n'y aurait plus d'espèce humaine. Il y a une humanité.
Si l'homme pouvait créer la vie il serait immortel. On ne contrôlera vraiment la bombe atomique que lorsqu'on sera capable d'y renoncer. Le fait qu'il y est convergence des responsabilités (ex: referundum)



--> L'art

Les 3 moments de l'art :

L'histoire de l'art ne comporte que trois divisions temporelles. L'origine de l'art (tecnh) est un fait religieux. Sa fonction première est une fonction liturgique et cultuelle : phénoménaliser le divin. L'art est cette instance par laquelle le divin se manifeste. Ce que les hommes ont appelé art, c'est ce qui rend visible l'invisible, qui relativise l'absolu... Si le divin s'associe au visible, l'adoration devient idolâtrie. L'art prend ici une fonction symbolique, c'est-à-dire qu'il manifeste au moins un aspect du divin. L'art est indissociablement lié à la religion. Tout art est apollonien, c'est-à-dire qu'il ramène à l'unité du divin. Comme le dit Goethe, « L'art n'est grand que lorsqu'il est religieux » et « N'est grand que ce qui est fécond ». Il n'y a que deux grands arts pour l'Occident : l'art grec et l'art chrétien. Tout le reste n'est que déviation de cette source.
Le deuxième moment de l'art est le moment de la culture : la Renaissance. La fonction de l'art, c'est l'agrément sensuel, le loisir. C'est le plaisir sensible qui fait l'éducation de l'honnête homme, l'éducation humaniste (cf. voyages en Italie). Le lieu de l'art n'est plus le temple mais le musée (littéralement : lieu des Muses).
Le troisième moment de l'art est le nôtre, c'est le moment du culturel, c'est-à-dire le moment de l'œuvre comme bien de consommation. L'œuvre d'art est désubstantialisée puisque l'on peut se l'approprier. Le troisième lieu de l'art est donc le supermarché.
Ce qui caractérise l'histoire de l'art, c'est un mouvement de désacralisation, de profanation. C'est la séparation des transcendantaux qui est responsable de cette désacralisation.

3 déterminations du concept de l'art

Au fond, qu'est-ce que la téchnè ? C'est le savoir-faire de la modification qualitative de l'étant, la transformation réglée de ce qui est donné (ex : art médical = transformation d'un corps malade en un corps sain).
On peut comprendre l'art au sens contemporain de la technique. Il s'agit alors de l'artisanat et de l'industrie, qui transforment l'étant donné en utile. Les produits de l'art ne sont alors que des outils ou des moyens.
L'art aux sens des beaux-arts a pour fin l'agrément sensuel car la beauté flatte notre sensibilité, allant jusqu'au plaisir de la compréhension. C'est la détermination esthétique de l'art, car l'esthétique n'a d'autre but que la satisfaction de notre sensibilité.
Le grand art n'est pas fait pour être utile ni même pour être beau, il est fait pour édifier, pour élever. La fin du grand art est de convertir l'individu anagogiquement pour qu'il devienne meilleur. Par exemple, le poète Rilke a été le secrétaire de Rodin, qu'il a initié à la statuaire grecque : il allait souvent au Louvre et y contemplait un torse archaïque d'Apollon ; il a écrit un poème dessus dont le dernier vers est « Tu dois changer ta vie ». En écrivant cela, il prend acte de la signification cultuelle de l'art, qui est l'édification.



Étude d'œuvres

Hans Hollbein le jeune, Les Ambassadeurs, 1533. Le crâne au premier plan est une anamorphose (= déformation réglée de la perspective naturelle).
Les deux personnages présents sur le tableau ont réellement existé : ce sont des ambassadeurs français à Londres. Toute la culture humain est symbolisée sur le meuble central : globe, luth, rouleaux, instruments de mesure,... Le champ sémantique reliant tous ces objets est celui de la culture, du génie humain en tant que ce génie cherche la beauté et se cherche lui-même. La toile de fond représente un rideau de théâtre. Hollbein produit une mise en scène de toute l'Histoire, et montre que la culture humaine toute entière tient sur un meuble. Les motifs floraux sur le rideau pourraient symboliser la nature. Sur le sol en revanche, on trouve des formes géométriques parfaites qui ne font sens que pour l'esprit. L'Histoire est ici le point de rencontre entre la nature et l'esprit. Les personnages portent chacun un symbole. Celui de gauche tient dans sa mai droite un poignard dans son fourreau, symbole de la guerre au sens d'un pouvoir politique temporel ; celui de droite tient des clés, symboles de la connaissance spirituelle, d'une initiation. Ces personnages représentent donc l'État et l'Église, la force terrestre et la force céleste. Celui qui représente l'État porte également une médaille représentant Saint Michel terrassant le dragon. On peut penser, avec l'opulence présente dans le tableau, que c'est un éloge à l'Homme. Mais il est traversé par une ombre, et cette ombre est la Mort, camouflée non pas par défaut de visibilité mais par surcroît de visibilité. Pour pouvoir saisir cette ombre omniprésente invisible, il faut savoir se décentrer. La mort réduit à rien les prétentions de l'Homme, la verticalité des ambassadeurs. La proximité spatiale et la mort est symbole de sa proximité temporelle, de son imminence permanente. En nous obligeant à un exercice de décentrement, Hollbein veut nous faire comprendre que la réalité de la mort n'est saisissable qu'au moyen du sacrifice de la subjectivité du regard. Le caractère grandiose de la culture humaine est au fond frappé de nullité parce qu'il est toujours déjà détruit par la présence de la mort. Qu'est-ce que l'Homme ? → Cet être destiné à disparaître. Les ambassadeurs sont ceux de l'humanité entière, représentant ce qui compte le plus aux yeux des hommes : la structure politique et la structure ecclésiastique.
Ce tableau est une métaphore de la culture humaine et de la précarité ontologique de l'Homme. C'est un tableau de la vanité.
En haut à gauche, le rideau est un peu ouvert et laisse voir une crucifixion,, qui est la réconciliation de l'Histoire et de l'éternité.


Franz von Stuck, Le péché, 1893

Traditionnellement, une représentation d'une femme avec un serpent fait référence au péché originel. Mais normalement, le serpent et Ève se font face. Ici, on voit une femme et un serpent qui sont complices, car il l'entoure comme un vêtement. C'est à nous qu'ils font face. Le concept directeur, c'est l'ambiguïté au sens d'une forme d'indétermination. La première est l'ambiguïté d'espèce, car on ne voit pas où s'arrêtent les contours du corps humain et les contours du corps animal. Ce tableau fait donc douter de la limite entre l'Homme et l'animal. La seconde est une ambiguïté de générique : le visage n'est pas clairement défini, il n'est pas totalement féminin dans la dureté de ses traits. La troisième est l'ambiguïté dans l'attitude, ou psychologique. Le serpent nous défend d'approcher quelque chose qui nous invite à l'approcher. Cet être nous dit en même temps « Viens » et « Ne bouge pas, sinon tu vas mourir » : c'est de la perversité. Cet être est à la fois intimidant et excitant, séduisant. Cette ambiguïté est manifestée symboliquement par le serpent. Cet être est à la fois promesse de plaisir et de souffrance, de jouissance et de déliquescence. Ce serpent est un boa constrictor, qui tue ses proies en les étreignant. Cette ambiguïté de la caresse mortifère est symbolisée par le boa lui-même, qui représente à la fois la souffrance et le plaisir. L'ensemble de la toile est un clair-obscur, ambiguïté crépusculaire infernale. C'est la chair elle-même qui est phosphorescente, et donc luciférienne. L'ultime ambiguïté est l'ambiguïté esthétique : cette toile est entre la beauté et la laideur, et est donc une beauté sublime. Nous sommes dans un perpétuel entre-deux, dans une éternelle indétermination. Cette indéfinition nous hypnotise. Ainsi cette toile porte bien son nom, car le Mal est l'indétermination, ce qui vient brouiller les limites ontologiques entre les choses, les frontières qui séparent les catégories. Les cheveux lâchés sont le signe de la sauvagerie et de l'animalité, de l'insoumission.
Il apparaît ici qu'un chef-d'œuvre a cette propriété de rendre phénoménal quelque chose qui ne l'est pas, une chose invisible par laquelle toute chose devient visible, c'est-à-dire une idée. Une œuvre d'art est une phénoménalisation idéale instantanée. Le chef-d'œuvre authentifie la vérité spéculative.



Albrecht Dürer, portait de sa mère, 1514

Qu'est-ce qu'un chef-d'œuvre ? Que nous apprend l'art ?
Pour le sens commun, ce dessin est un portrait frappé par la contingence, et ce qu'il représente, même en soi, est contingent. Cette œuvre est subjective car c'est un fils qui dessine sa mère. On est en plus dans la totale relativité spatio-temporelle car ce visage, personne ne l'avait avant et plus personne ne l'aura jamais : on est au sommet de la singularité. Pour le sens commun, on voit cette vieille femme, qui a vécu au XVIème siècle et qui est unique. Mais on ne voit pas seulement une vieille femme, on voit la vieillesse, qui est quelque chose de parfaitement universel, nécessaire et objectif. C'est l'objectivité supérieure de l'art qui peut rendre visible ce qu'on ne voit pas, c'est-à-dire les concepts. Cette toile nous renseigne alors conceptuellement sur la nature de la vieillesse. Ce que nous voyons est une chair qui se désolidarise du squelette. La mort est la grande séparation, et la vieillesse en est l'augure car le corps commence à ne plus faire tout à fait un. La vieillesse, c'est la mort dans le vie, c'est-à-dire le dynamisme de la séparation qui commence à devenir visible. Nous sommes ainsi renseignés sur la courbe du vivant, on est ici dans une phase ultime du déclin physique. L'ambiguïté propre à la vieillesse est l'ambiguïté générique, car c'est la perte de la détermination sexuelle, c'est un retour à l'indétermination initiale. Le regard ne nous fait pas face, il s'absente déjà, est vide des préoccupations mondaines, temporelles et humaines. La vieillesse, c'est l'âge sans après mais pas sans au-delà. Cet état ne peut plus être finalisé par ce qu'il y a de temporel.
Si c'était seulement subjectif, contingent et relatif, ça n'intéresserait personne. Mais la vieillesse, elle, intéresse tout le monde. Le chef-d'œuvre artistique manifeste le concept en annulant et en réconciliant les oppositions conceptuelles classiques : c'est à la fois parfaitement singulier et parfaitement universel. Une œuvre d'art peut échouer par surcroît de singularité ou par surcroît d'universalité.


Poussin, Les bergers d'Arcadie

Arcadie = Pays légendaire, paradis terrestre, lieu de l'innocence.

Ce thème s'apparente à la forme de la vanité lorsqu'il est traité dans la peinture française et italienne. Les bergers d'Arcadie découvrent un crâne dans la toile du Guerchin et la première de Poussin. Ici, trois bergers et une femme déchiffrent une inscription qui dit « Et in Arcadia ego », située sur une tombe. Que peut vouloir dire cela ?
-> La dernière parole du défunt : « Moi aussi, j'ai vécu en Arcadie », dans un monde de plaisirs et de délices, sans souffrances.
-> Une parole de la Mort : cette scène représente alors une version gréco-latine de la Chute, du péché originel. La Mort est partout chez elle, et les bergers ont du souci à se faire. On a ce qui pourrait être une entrée dans l'Histoire, dans une temporalité étendue tragique. Lorsque l'Homme prend conscience de son caractère mortel, il chute brutalement dans la temporalité. Dans ce cas, l'Arcadie disparaît. Lorsqu'on en sort, le présent n'est plus un présent, toute chose est à interpréter, tout devien objet d'un questionnement.
-> Une réflexion sur l'interprétation : on voit quelqu'un qui déchiffre un langage qui n'est pas immédiatement compréhensible. Ce qui est mis en scène, c'est une interrogation. Sortir de l'innocence, c'est se livrer à une opération de déchiffrement.

Le personnage féminin est le seul à ne pas sembler s'inquiéter de l'inscription. Elle a quelque chose de rassurant dans sa verticalité permanente. Pour certains, il s'agit d'une déesse.
Cette toile est une métaphore du bonheur perdu, de la mort immortelle, de l'interprétation comme témoignage de la chute dans l'historicité, qui nous éloigne toujours plus d'une origine parfaite.
« Et in Arcadia ego » peut aussi être lu comme un anagramme en latin : « Itego arcana Dei », c'est-à-dire « Je détiens les secrets de Dieu ». Ainsi, c'est dans la mort que se trouverait le secret de la vie. L'oeuvre elle-même est un passage initiatique.
Il y a ici des strates de signification impliquées les unes dans les autres, et très énigmatiques.
Un chef-d'oeuvre a toujours quelque chose du mystère. La force des oeuvres d'art est de nous confronter à l'énigme de notre propre présence et donc de laisser pressentir une interprétation possible. Borgès : « L'imminence d'une révélation qui ne se produit pas est peut-être le fait esthétique » -> L'expérience d'art est une révélation qui ne se produit pas, une apocalypse froide.


Polyclète d'Argos, Achille Doryphore

Toutes les règles de la crétion artistique sculpturale sont présentes. Les Doriens étaient des bronziers, et l'original de cette statue était en bronze. Elle a été reproduite en marbre par les Romains. L'Achille Doryphore est le portrait d'un athlète trois fois vainqueurs aux agôns d'Olympie. Les Grecs pensaient que celui qui gagnait trois fois, le dieu était en lui et il était donc digne d'être portraituré. Ces tatues en bronze n'étaient pas forcément placées dans des temples, mais aussi dans les gymnases pour permettre l'édification et le dépassement des jeunes athlètes. Cette figure humaine est l'archétype de la beauté grecque, qui sera la référence de l'art occidental pendant des siècles. Ce qui caractérise cette statue, ce sont plusieurs choses : c'est une rondebosse (toutes les faces sont travaillées, par opposition à un relief, elle a ainsi une forme d'autonomie car elle est désolidarisée de son lieu), elle a un format naturel un peu augmenté (environ 2m), et il y a contraposte (= harmonie de mouvements contraire : le génie grec est d'avoir donné un dynamisme à la statue). Cette statue s'apparente donc au vivant. Enfin, il y a une poussée de l'intérieur vers l'extérieur : c'est une image de la force, la chair est adéquate au squelette. Il y a une compacité des chairs, des muscles et du squelette qui donne une impression de puissance. S'il y avait un canon objectif de la beauté apollinienne, ce serait celui-là, de l'Antiquité à la Renaissance.


Gerokreuz (= Croix de Gero, archevêque du Xème siècle qui a commandé cette oeuvre)

Cette oeuvre a donné l'archétype de toutes les crucifixions et se trouve dans la cathédrale de Cologne. Il est entouré par de l'or, car c'est une couleur surnaturelle, qui signifie un ordre de réalité divin et métaphysique. Il est entouré par une mandorle (= forme d'amande), qui symbolise le Néant. Dans la crucifixion, le dieu s'anéantit ; l'absolu n'est rien de ce qui est. L'inscription INRI signifie « Jésus de Nazareth, le roi des Juifs » et a été ajoutée par les Romains pour se moquer encore de lui. Il a autour de la tête un nimbe crucifère (cercle contenant une croix), symbole de l'univers (cercle -> infini ; point central -> principe ; croix -> incarnation). Avant la croix, le symbole du Christ était le poisson, car le mot grec ichtus était un code pour le désigner.
Les lois régissant ce canon sont les contraires de ceux de l'Achille Doryphore, même si les deux ont le même thème : un homme-dieu. Mais les deux modalités de traitement sont perfaitement antagoniques. Ici, c'est l'agonie qui est représentée, c'est-à-dire la force qui s'en va du corps. Les chairs se désolidarisent du squelette. La position du corps n'e'st pas harmonieuse, elle est contrainte. De plus, c'est un relief, caontrairement à l'Achille Doryphore qui est une rondebosse. Ce qui est mis en scène par la crucifixion, c'est la laideur objective de la souffrance et de la mort. Il faut distinguer la beauté ou la laideur du thème et le traitement. Pour les Grecs, si une oeuvre est belle, c'est également parce que le thème qu'elle traite est beau : ils ne séparent pas l'objectivité et la subjectivité. Pour les modernes, la beauté est portée non plus sur le thème représenté mais sur son traitement.
L'art est un phénomène religieu. Mais entre l'art grec et l'art chrétien, la représentation de l'homme-dieu est inversée : puissance ou impuissance de la nature.


La question de la beauté

Classiquement, il n'y a que quatre définitions conceptuelles de la beauté, exposées pr Platon dans le dialogue Hippias majeur, mettant en scène Socrate discutant avec Hippias. On a pour la première fois identifié les quatre définitions précises de la beauté :
-> L'harmonie (= conjointure de ce qui naturellement est disjoint) au sens d'une propriété objective de la chose. Saint François de Sales (début XVIIème, Traité de l'amour de Dieu) : « L'harmonie, c'est la discorde accordante » ; Héraclite : « La plus belle harmonie est celle des contraires ».
-> L'utilité, au sens de l'excellence fonctionnelle, capacité que la chose a à remplir sa fonction, quoiqu'il en soit de ses attributs esthétiques (on peut ainis dire d'un tracteur qu'il est beau). Il y a alors complète adéquation entre la chose et ce pourquoi elle est une chose. Le beau stylo est donc un stylo authentique.
-> La bonté, au sens du Bien. On donne ainsi à la beauté une détermination morale, c'est ce qui porte sensiblement au Bien.
-> L'agrément, au sens de ce qui plaît aux sens, ce qui flatte la sensibilité de l'Homme.

La thèse de Platon est qu'il doit y avoir une idée du beau et examine ces quatre définitions sans parvenir à une détermination satisfaisante, comme si la beauté résistait à l'entreprise conceptuelle. C'est pourquoi l'Hippias majeur fait partie des dialogues aporétiques (aporie = impasse du discours qui advient une fois que l'on a étudié toutes les possibilités de résolution d'une question). Il y a un rapport entre la beauté et le hasard : il ne suffit jamais de suivre les règles de l'art pour faire advenir la beauté.

Avant Socrate et Platon, les termes idéa et eidos (idée) désignaient l'aspect extérieur de la chose. Socrate s'est servi de c emot pour désigner l'archétype d'une chose, l'archétype invisible de ce qui est visible. L'idée de triangle n'est rien, chaque triangle en est la manifestation. On pourrait très bien vivre sans idées.

Le but de ce texte est de faire comprendre à Hippias que la question « Qu'y a-t-il de beau ? » est différente de la question « Qu'est-ce que le Beau ? ». Cette différence est fondamentale, car elle sépare les faits dans leur diverse multiplicité de l'unité simple du concept. La question « Qu'est-ce que la beauté ? » est une question ontologique qui vise l'être même de la chose. La question « Qu'y a-t-il de beau ? » est une question ontique (= désigne la multiplicité des choses existantes). La question ontologique vise l'universel et dépasse la multiplicité des choses existantes. Cette idée a trois valeurs dans la doctrine platonicienne : c'est une raison d'être (sans beauté, pas de beau : c'est par le Beau que les choses sont belles) ; une raison de connaître ; une raison d'agir. Selon Platon, les idées elles-mêmes sont hiérarchisées, l'une d'elles est elle-même l'archétype de toutes les autres, et cette idée est celle du Bien, qui transcende toutes les autres. La République : « le Bien est au-delà de l'être », et c'est pourquoi toute idée est raison d'agir, car avoir une idée c'est avoir en soi l'archétype du Bien. Socrate affirme ici qu'il doit bien y avoir une idée de la beauté. La position platonicienne sur la beauté est nuancée :
- idée -> universel -> canon
- la beauté paraît résister à l'entreprise des concepts.

Lieux communs sur Platon à éviter :
-> « Pour Platon, il y a un monde des idées » -> Les idées ne sont nulle part ! Elles ont une dimension supracosmique.
-> « Platon bannit les poètes de sa cité idéale » -> Non, il faut les contrôler mais non pas les bannir, car une cité a besoin d'art. On ne peut pas leur laisser libre cours car ils sont frappés de mania.

Quelle place pour la beauté dans un ordre politique ? L'Etat a-t-il le droit ou le devoir de s'inquiéter des formes de l'art ? -> Pour les anciens, un état doit s'occuper de tout, de l'art jusqu'aux jeux des enfants.


Platon, La République
L'art et la fonction du politique

Platon défend l'idée que l'art doit être censuré. Le personnage décrit ici est le poète, et par métonymie l'artiste. On trouve une définition du pouvoir poétique : capacité « de se diversifier et d'imiter toutes choses ». La poésie est un miroir cosmique universel capable de rendre compte de tous les aspects de la réalité. Mais ce pouvoir est aussi celui du logos, car la nomination est une puissance invocatrice. Le langage est une force poétique -> poiesis : passage du non-être à l'être (cf. Le Banquet). Stefan Georg : « Aucune chose ne soit là où le mot faillit ». Le poète est maître de ce pouvoir : il peut convoquer les absents. La focntion du poème épique est d'invoquer le nom des morts pour les faire revenir à la vie. Cette fonction poétique se double d'une fonction mimétique : par l'art, l'Homme est capable de créer un système d'apparences et d'illusions. Toute peinture n'est qu'une métaphore du regard, la musique est une métaphore de la voix humaine. L'artiste peut toujours être soupçonné d'être une corte d'hypocrite ontologique dangereux. Il peut tout devenir (cf. Protée), comme un démon, ce qui lui donne une face diabolique. L'artiste a toujours quelque chose de protéiforme, de diabolique car il peut remporter l'adhésion des spectateurs en les leurrant sur la nature de ce qu'ils voient. L'art est dangereux car il peut faire confondre l'apparence et l'essence, et peut nous faire croire qu'il n'y aurait que des apparences. Il suscite des émotions et des pensées réelles avec de l'illusoire. La beauté est ensorcelante.
« personnage sacré » -> L'activité poétique n'est pas une activité de loisir, c'est une activité sacrée, et il faut donc rendre hommage au poète. Il a un pouvoir quasi divin : c'est un démiurge (= dieu qui façonne les chose's). il faut commencer par reconnaître la dimension religieuse de l'artiste, habité réellement par le divin, cest-à-dire enthousiaste.
Platon défend la thèse qu'il ne faut pas laisser la poésie livrée à elle-même, qu'elle ne doit pas être à elle-même sa propre norme mais doit être subordonnée à un principe supérieur, à la politique. Pour lui, c'est la beauté utils qui est la bienvenue dans la cité. L'utilité de la poésie est ici une utilité morale, qui justifie la censure de l'art. Il est trop puissant pour être laissé aux seuls artistes (Platon recommande en musique la gamme dorienne car elle éveille des sentiments nobles et conduit à se dépasser). L'ensorcellement artistique doit être subordonné à des fins politiques.
« l'homme de bien » -> L'homme dont tout le comportement est orienté vers l'idée primordiale du bien. Les artistes sont des maîtres de la séduction sensuelle et donc du désir, et le désir livré à lui-même est toujours malfaisant, un feu qui consume, et doit devenir une volonté pour être sauvé de sa contradiction interne. L'art, en raison même de sa puissance, est un don périlleux et lorsqu'il dégénère, c'est tout l'Homme qui dégénère.
L'art a une fonction pédagogique : il entre très profondément dans l'éducation de l'individu car il a une efficience immédiate qui transforme l'âme. C'est l'outil pédagogique peut-être le plus fort. L'art doit avoir une place de choix dans l'éducation car il transforme immédiatement les états de l'âme. Pour faire grandir un homme, il faut pouvoir moduler ses états d'âme pour le faire accéder à tous les sentiments humains. La beauté est nécessaire, même politiquement et pédagogiquement, mais il faut contrôler les artistes.


Plotin, Du bien

Ce texte traite de la question de l'objectivité des critères canoniques du beau. Il existe quatre critères canoniques classiques : la symétrie, la grâce, l'harmonie et l'eurythmie (harmonie dans le mouvement).
Plotin est un néo-platonicien du IIIème siècle, qui a particulièrement réfléchi sur le critère de la grâce, justement pour mettre en question la caractère objectif de la beauté.
Selon lui, la beauté n'est pas mesurable, car la symétrie ne suffit pas : le masque mortuaire est moins beau que le visage vivant car il manque l'éclat de la grâce, l'éclat de la vie. La symétrie froide n'émeut personne. La chaleur propre à la vie rend le corps aimable et désirable. La grâce est l'effort sans le sentiment de l'effort, sans impression de contrainte et de dépense d'énergie, qui donne une sorte d'aisance. La grâce est quelque chose qui fait que notre corps nous transporte, et que ce ne soit pas nous qui le portons. La grâce est cette qualité incroyable qui permet que le corps soit un parfait véhicule. C'est la présence de la vie au sens d'une dynamique, d'une puissance qui n'est pas entravée par la chair. Dans la mort, cette dynamique disparaît, et sans elle il n'y a pas de beauté. Comme le dit Kant dans sa Critique de la faculté de juger, au premier paragraphe de L'analytique du beau : « La beauté excite en nous le sentiment de vie », parce qu'elle est une image de la vie elle-même, elle intensifie le sentiment que nous avons d'être habités par une puissance qui se dépasse sans cesse. La grâce dont nous parle Plotin est l'éclat de ce dynamisme. Cet éclat est irrégulier, immesurable et impossible à reproduire à volonté, qui fait de la beauté une expérience non canonique. La grâce est l'effet visible d'une chose invisible qu'on appelle la vie;


Burke, Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau

Le XVIIIème siècle met en cause la possibilité même d'établir un canon de beauté. Ce texte est une enquête empiriste au sujet de la beauté et du sublime.
→ Sublime = Peut intégrer de la disproportion parce que l'artiste cherche à provoquer une impression de vertige et d'inquiétude liée au sentiment de l'infini (par exemple un océan déchaîné qui s'étend à perte de vue).
→ Beauté = Harmonie, proportion, apaisement, finitude
C'est Burke qui a théorisé cette distinction, reprise par Kant dans sa Troisième critique.

On constate que l'auteur se place dans une entreprise empiriste : il cherche la cause de la beauté dans les choses. Il pense que la beauté est un effet sensible de la matière sur notre corps, et s'interroge sur la question de la proportion. Peut-on dire que c'est une juste proportion qui éveille en nous le sentiment de la beauté ? Si oui, cette proportion obéit-elle à une loi universelle ? Y a-t-il une proportion parfaite ? Si oui, alors toute chose proportionnée de cette façon devra être objectivement belle.
Si c'est la proportion la cause de la beauté, alors il faut montrer que c'est avec le contact de la chose bien proportionnée que l'idée de la beauté nous vient automatiquement. Les empiristes sont adeptes du libre-examen. A proportions constantes, effets inconstants : la beauté ne peut pas être l'effet mécanique de la reconnaissance sensible de la proportion. Le génie artistique est tel qu'il peut s'affranchir des règles traditionnelles de la proportion, ce qui veut dire que ces règles ne sont pas la cause du sentiment de la beauté. Il oppose ensuite, par exemple, La Pietà de Michel-Ange et l'Achille Doryphore de Polyclète d'Argos. Donc, si c'est un canon de la beauté c'est un canon un peu bizarre puisqu'il évolue avec le temps, s'il évolue avec le temps c'est qu'il n'est pas universel, et s'il n'est pas universel c'est qu'il n'est pas vrai. Un argument relativiste serait que la définition du canon n'est pas invariable. Il y a évolution du canon car il y a évolution physiologique de l'Homme. S'il y a évolution de la forme et de la figure humaine, il y a forcément une évolution du canon. La femme est plus belle que l'homme, mais ce n'est pas parce qu'elle est mieux proportionnée. S'il est vrai que la femme est plus belle, c'est forcément pour une autre raison : elle a reçu le don de pouvoir susciter le désir, de pouvoir rendre désirable ce qui par nature ne l'est pas (la nourriture, soi-même). La beauté est donc ce qui nous attire. Burke dit que l'idée de beauté vient de l'impression de douceur et de petitesse, de délicatesse.


Kant, Critique de la faculté de juger ou Troisième critique

Cette œuvre a pour question directrice : Que m'est-il permis d'espérer ? Et sa valeur directrice est le Beau, notre relation à la finalité.
Kant distingue ici l'agréable et le Beau. Pour lui, la beauté est avant tout non pas une propriété objective des choses, mais une propriété de l'appréciation subjective que nous portons sur elles. La beauté est donc une propriété du jugement. C'est pourquoi dans L'analytique du beau, Kant réfléchit sur les jugements du goût, ou jugements esthétiques. Le goût désigne un savoir sensible, sensuel et charnel (sapidus/sapere). Ainsi, la savoir n'est jamais sans saveur, c'est le sel de la vie, ce qui lui donne son intérêt. Le goût a pu être déterminé comme le sixième sens par l'abbé Dubos (qui a également théorisé le je-ne-sais-quoi, cet éclat un peu mystérieux, gracieux et charismatique qui entoure les belles choses), car c'est celui qui unifie tous les autres.
Mais si la beauté change avec chaque jugement, avec chaque sujet, alors il ne peut pas y en avoir. Kant cherche donc à maintenir la subjectivité du jugement de goût ET l'universalité du Beau.
Kant dit que l'individu tolère qu'on relativise son jugement lorsque celui-ci définit ce qui est agréable (= ce qui plaît aux sens). Le devoir est ici une nécessité théorique et non morale. Le présent gnomique « Le vin des Canaries est agréable » est caractérisé par sa prétention à l'universalité et le fait qu'il attribue au vin même la propriété d'être agréable. Si l'on dit « Cela m'est agréable », « agréable » caractérise la relation que l'on entretient avec la chose. Kant présuppose dans ce texte que tout le monde est averti de cette différence et que personne ne souffre d'être repris lorsqu'il qualifie quelque chose d'agréable.
Il y a une diversité de fait en l'acte de la perception sensible, et une diversité dans les manières de jouir de la sensibilité. Pour Kant, on doit prendre acte de cette diversité empirique. La folie signifie ici dérèglement du jugement. Nos sensibilités sont insubstituables, et le vécu que nous en avons est peut-être incommunicable. On ne peut pas expliquer pourquoi telle personne aime telle chose. Notre subjectivité concernant ce qui est agréable nous renvoie à notre personne, en cela que notre personne est incomparable et insubstituable. La fonction est substituable, mais pas la personne. On ne peut pas discuter de ce qui est agréable car on ne peut pas communiquer la nature de notre sensibilité. Si on veut le faire, on tombe dans la folie car on confond sujet et objet, subjectivité et objectivité. Les jugements en ce qui concerne l'agréable peuvent se contredire, ou tout du moins se contrarier, mais cela ne veut pas dire qu'il y en a un qui est vrai par exclusion des autres. En réalité, ils sont tous vrais. En ce qui concerne l'agréable, il y a une véritable diversité des goûts. Le jugement de goût portant sur l'agréable tolère la relativité.
Il y a une opposition entre la folie et le ridicule : il est en effet ridicule de juger relativement du Beau. Ce ridicule frappe l'histoire des idées, et notamment le jugement de base de notre époque. Si c'est beau subjectivement, ce n'est pas beau, c'est agréable. Si quelque chose nous plaît subjectivement, il faut employer le terme « agréable », et réserver le terme « beau » à un autre type d'expérience. Le jugement de l'agréable, en cela qu'il est subjectif, n'intéresse personne. Le jugement de goût esthétique a pour caractéristique de prétendre à l'universalité. C'est une opposition entre le fait et le droit qui soutend cette thèse. Ce qui compte, ce n'est pas qu'il y ait une universalité, mais qu'on fasse comme s'il y en avait une quand on dit que quelque chose est beau. Il n'y a pas, en fait, d'universel : il y aura toujours quelqu'un pour contester l'universalité de droit du jugement esthétique. Le jugement « C'est beau » appelle tous les hommes, appelle l'adhésion de l'humanité. On suppose que n'importe qui mis à notre place dans les mêmes circonstances dira la même chose. La beauté est importante car elle est signe d'une concordance universelle, d'une parenté sensible. Kant défend l'idée d'un cosmopolitisme esthétique. Même si ce n'est pas vrai, on le suppose quand même. Pourquoi est-on blessé par le désaccord esthétique ? Parce qu'on s'attend à ce que tout le monde soit d'accord avec nous, parce que nous espérons toujours que l'humanité fasse un, que Horace et Hobbes ont tort de nous dire que l'homme est un loup pour l'homme.
Le jugement esthétique a inconsciemment une vocation qui porte à l'universel. La beauté est l'apparence de la vérité : c'est le vrai sensibilisé.
La beauté est un phénomène subjectivo-objectif. Quand la subjectivité se rêve elle-même objective, quand l'individu singulier se rêve humanité collective, alors c'est la beauté.


Jaëger (savant allemand spécialiste d'Aristote et de l'art grec), Paideia : la formation de l'homme grec

Jaëger dit que l'art permet de donner une forme à des principes, et qu'il pérennise ces mêmes principes. Toute œuvre d'art est une chose sensible qui s'adresse d'abord à notre perception physique. Les œuvres d'art seraient le réceptacle de tout ce qu'il y a de sacré et le manifestent. Pour Socrate, la philosophie n'est qu'une psychagogie (= conduite de l'âme). Mais pour Jaëger, ce qui est le plus à même de former notre âme est l'art, et non la philosophie, car il permet une transformation illimitée de l'esprit humain par l'expérience de la beauté.
« signification universelle » → Toute œuvre a un sens, le concept est immanent à même la forme sensible, visible. Les œuvres d'art partent d'une idée. On parle ici de la dimension intelligible de l'œuvre d'art.
« appel immédiat » → Relation sensible. Hegel (Leçons d'esthétique) : « Une œuvre d'art est une force d'appel », car sa présence sensible arrête notre expérience. L'œuvre d'art et sa beauté nous contraignent à interrompre la mécanique quotidienne, à prendre un peu de recul qui permet la contemplation. Elle est de fait toujours impliquée dans le domaine de l'empirie. L'art sollicite complètement et le corps et l'esprit, et fait droit à l'être humain tout entier dans sa simplicité. Il s'adresse personnellement à tout le monde sans briser la personne humaine, c'est pourquoi il est l'outil pédagogique par excellence.
Tout ce qui nous arrive dans la vie empirique est toujours singulier. À chaque seconde notre perception change. La vie empirique sensible est caractérisée par son anarchie. Mes choses sensibles sont toujours singulières. L'universel n'est pas immédiatement immanent à al vie, la vie n'est qu'une anarchie de singularités que rien ne relie : la vie n'a pas de sens. La vie empirique sensible est caractérisée par son insignifiance.
L'Homme est capable d'accéder à l'universel, mais cette universalisation n'a par définition pas de chair, elle déçoit toujours notre besoin perceptif. L'exercice philosophique ou scientifique est une désincarnation et une altération de la personne humaine. Comme le dit Socrate « Philosopher, c'est apprendre à mourir » et « Les philosophes n'ont d'autre occupation que de mourir ». Mourir veut ici dire renoncer à, ici à la singularité chatoyante de la sensibilité individuelle. Le sens n'a pas de vie. Nous serions alors dans une situation d'écartèlement : jouir dans l'insignifiance ou penser dans la désincarnation. Si la vie n'était que cette alternative, on aurait de bonnes raisons de croire qu'elle n'est qu'une malédiction.
L'œuvre d'art et la beauté sont le point de convergence du sensible et du sensé. C'est une forme sensible qui s'adresse directement à notre esprit. Il y a bien une occurrence de l'Homme où l'on peut croire qu'il y a réconciliation de tout ce qui est le plus antagoniste. L'art est donc la médiation de l'idée et de la chsoe.

Critique du texte :
→ L'art n'est pas accessible à tous, comme le dit Cézanne : « L'art est une chose réservée à un nombre excessivement restreint de personnes ». Il n'y a d'art qu'élitiste, aristocratique. L'art n'a peut-être pas cette force d'appel universellement, mais seulement pour les esprits bien nés. Comme le dit Socrate : « Le beau est difficile ». Pour pouvoir se confronter à l'œuvre, il faut du temps, et le temps est le luxe de la noblesse. Si c'es vrai, l'art n'a qu'apparemment une vocation à l'universel et n'est que le luxe des gens qui n'ont besoin de rien.
→ Certains jettent des ponts entre art et philosophie : Lucrèce, maître Ecarte (mystique rhénane),...
→ ce texte est de la philosophie, or si ce qu'il dit est vrai, pourquoi fait-il de la philosophie ? Il pense que l'élément propre de la vérité est le logos philosophique, sinon il ferait plutôt de la peinture... c'est une sacralisation philosophique de l'art, mais plus sacré que ce qu'il sacralise est l'outil même de la sacralisation : la philosophie. La philosophie peut dire la vérité de l'art, mais l'art ne peut pas dire la vérité de la philosophie, donc elle le surpasse.

→ Question de l'objectivité, de l'idéalité de la beauté.
→ Statut du chef-d'œuvre : Qu'est-ce qu'une œuvre d'art ? Quelle place culturelle occupe-t-elle ?
→ Censure : L'art est-il une affaire publique ?
→ Génie artistique, inspiration : est-il vrai d'affirmer comme Socrate que le poète est un enthousiaste inspiré par la muse ?
→ Spectateur : Qu'est-ce qu'une expérience de contemplation ?
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Message par Flora Sam 8 Jan - 18:19

Le travail

Le travail est-il un facteur d'émancipation ou un facteur d'aliénation de l'Homme ? Qu'est-ce que le travail ? Que faisons-nous lorsque nous travaillons ?
Pourquoi ces questions se posent-elles ? Parce que le travail fait partie du quotidien de l'Homme. Il est peut-être l'un des faits culturels les plus centraux.


--> Le supplice

Dès lors qu'il est question de travail, il est question de pene. Il y a une corrélation constante et universelle entre ces deux termes. Le travail dénote et connote la notion d'effort. Comment expliquer qu'on se serve du travail comme d'une punition s'il n'était pas associé à l'idée de peine ? Tout notre imaginaire et notre mémoire semblent indiquer une telle corrélation. Trois figures principales la manifestent : l'esclave antique écrasé par la peine de l'effort ; le serf féodal ; le prolétaire enchaîné à la machine. L'homme qui travaille, c'est l'employé, au sens d'une instrumentalisation. Ce sont des êtres qui deviennent des choses et que l'on oblige à renoncer à une forme de liberté. Le travail est aisi synonyme de servitude ou d'aliénation. Trois figures mythologiques : Atlas, Sisyphe, Hercule (les écuries d'Augias : travail immonde, avilissant). Le travail est ignoble car il salit celui qui le pratique. Pour Sisyphe, le travail est un supplice dans sa répétition qui rend fou et son carctère obsessionnel. Le travail nous prive de la joie de la surprise et de l'imprévisibilité, de l'excitation de l'avneture. Il rend monomanique. La totalisation de l'expérience paraît toujours un enfer. Le travail a quelque chose de complètement vain. Il paraît une peine absurde et gratuite. Le travail est d'abord le « sale travail », qui exténue et salit celui qui l'effectue, le sort de son humanité pour le rabattre au rang d'instrument. Le travail est perçu comme une forme de malédiction. Spontanément, on valorise le non-travail ; toutes les sociétés le font. Ceux qui ne travaillent pas peuvent se réserver une vie de temps libre. Nous savons tous au fond que le travail détruit, et ce qui authentifie la vie d'un Homme, c'est ce qu'il est capable de faire de son temps libre. C'est pour cela que l'enfance est un âge d'or, cra on y est soustrait à l'effort, l'enfant est disponible pour les jeux.
Rappelons l'étymologie : Travail -> Tri-palium -> Instrument de torture. Mais c'est celui qui souffre le moins, c'est-à-dire le bourreau, qui ravaille le plus. Si nous sommes le supplicié, cela veut dire que nous sommes travaillés par le bourreau comme une matière : le travail répond peut-être à un besoin, le désir de faire naître des choses nouvelles, de transformer la réalité et de se transformer soi-même par son activité. Lorsque l'Homme travaille, il est autant travaillé que ce qu'il travaille. L'effort et la peine ne sont donc pas gratuits, ne manquent pas de finalité, ce qui explique la nomination de « salle de travail » pour une salle d'accouchement : le travail est un supplice qui engendre, une souffrance périlleuse (car elle peut donner la mort) qui donne la vie. Il est le mal nécessaire à l'apparition du Bien. Le travail est donc moins le boulot que le labeur, qui unit les hommes dans une même destinée, une même histoire : nous sommes des collaborateurs, qui créent des laboratoires où nous labourons. Tout cela indique une dynamique d'appropriation du réel qui le transforme. Le travail est un effort patient par lequel nous nous reconnaissons. S'il nous souille, c'est peut-être parce que nous ne l'exécutons pas bien.

-> Quel sens donner au travail ?

--> Extériorisation de l'intériorité

Si ce qui est donné était immédiatement satisfaisant, nous n'aurions pas besoin de travailler. Ce qu'on appelle le travail est la négation de la forme de ce qui est donné, par laquelle l'Homme cherche à soumettre l'extériorité (dialectique hegelienne : l'Homme s'affirme en niant ce qui le nie), avec le choix (=acte d'éléction et d'exclusion). La nature a quelque chose de chaotique et le travail est une mise en ordre. C'est l'opération par laquelle on soumet le fait à la raison, c'est-à-dire par laquelle on spiritualise (= on raffine) le fait. Le travail est une extérioriqation de l'intériorité car c'est une projection de la nature volontaire de l'Homme sur la nature physique. C'est toujours une activité qui met en jeu la personnalité.

--> Intériorisation de l'extériorité

En transformant les choses par son travail, l'Homme se transforme lui-même. L'extériorité laisse des traces sur nous et nous investit. C'est une in,tériorisation du onde en soi-même, de ses contraintes, de ses règles, de son caractère irrationnel.

--> La finalité du travail

Qu'est-ce qui fait que la règle est aliénante ou émancipatrice ?
- Le choix du travail émancipe car ses contraintes sont alors désirées par le sujet.
- L'attention (qui est une tension) : il faut être capable de relier son travail à une fin pour qu'il soit libérateur. C'est la capacité d'intérioriser le sens de l'action et de participer intellectuellement à ce sens, c'est-à-dire à cette fin.

--> La dimension politique (au sens de la polis) du travail

Aristote : "L'homme est un animal politique".
Le travail est un facteur de l'identification sociale de l'individu. Le manque de travail non choisi (= chômage) peut être une souffrance et doit être distingué du loisisr choissi de l'aristocrate.
Il n'y a pas de culture sans travail,, car elle consiste en un effort d'appropriation de la nature et de l'Homme par lui-même qui passe par le travail.
Mais le ravail peut aussi être un terrain de lutte social à cause de la volonté d'appropriation du pouvoir par le patronnat.



La religion

Etymologie : Religere = Relier
La relation religieuse est au moins triangulaire.
Anthropologiquement et historiquement, on constate qu'il n'y a aucune civilisation qui ne soit structurée par une relation religieuse, par la foi (fides -> fidélité -> relation d'exclusivité)/ Il semble que l'Homme ne peut concevoir sa présence que comme gouvernée (voire créée) par une transcendance.
Est-ce légitime de considérer que, malgré la diversité des dogmes et des contenus, il y a une unité des religions ? La relation à la transcendance est-elle la même pour tout homme ? Cette question est une mise en crise du fait de la relation de réfutation qui sépare les grands monothéismes.
Un homme peut-il vivre et reconnaître un sens à son existence sans référer celle-ci à un principe transcendant ? Pour les religions, non ; pour le matérialisme, oui (il faut se libérer de cette idée de la transcendance qui n'est qu'une forme d'aliénation supplémentaire).
Transcendance -> Dépassement quantitaif et qualitatif.
Dieu = Entité irréductible à quoi que ce soit de mondain (= tout phénomène qui apparaît dans l'espace-temps).
Transcendance = Principe irréductible à quoi que ce soit du monde, conçu comme la cause efficiente du monde, le principe créateur de tout ce qui est réel.


Mircea Eliade, Le sacré et le profane
-> Qu'est-ce que le sacré ?

Pour Eliade, il y a bien un point commun entre toutes les religions, c'est le sens du sacré. Peut-on se passer de sacré ?
L'oeil du scientifique est capable de reconnaître un invariant religieux, quelques soient les diversités des religions. Malgré leur relativité historico-culturelle, il y a une statique, quelque chose qui manifeste qu'il y a bien un concept de religion. Cette statique est un mode d'existence qui fait que l'Homme croit qu'il y a du scré. Cette croyance signifie que l'univers est en dette, parce qu'il est un don. Toutes les choses doivent leur existence à un grand Autre chose, une altérité suprême qui est la condition même de leur possibilité. La conviction religieuse fondamentale est que tout ce qui est spatio-temporellement défini est relatif à un principe qui lui seul est absolu et qui eul a la puissance de faire advenir les choses. Cet unique principe singulier auquel tout se réfère ne se réfère à rien car son être est ce qu'il y a de plus singulier. Le monde est un don de ce principe transcendant et lui doit toute sa réalité, ce qui fait qu'en lui-même il n'a pas d'être, il est seulement soutenu et irrigué par le principe transcendant qu'est l'Autre chose de l'univers. Tout ce qui est n'est qu'un reflert de l'être, et doit son être à quelque chose qu'il n'est pas. L'univers n'est donc en lui-même qu'une grande réflexion. Peut-on honorer l'absolu ? Selon les religions, oui, grâce à des principes qui permettent que le reflet soit fidèle. Le monde a un statut créaturel et la religion n'est qu'une humilité. St Augustin (La cité de Dieu) : "Le temps n'a pas été créé dans le temps". La réalité n'est jamais qu'une image d'autre chose.
Le savant nous dit de ne pas être leurré devant la multiplicité des pratiques, car il y a de l'unité dans le multiple : il y a un critère d'identification (la confusion avec d'autres pratiques humaines n'est pas possible) qui permet d'identifier à coup sûr une pratique religieuse. Ce critère de démarcation est infaillible.
Croyance veut dire ici adhésion subjective à un dogme. ce principe divin, qui est le sacré, est une raison d'être. Si le principe transcendant était complètement étranger à notre conscience, au monde des hommes, l'idée d'un tel principe n'existerait même pas. Ainsi, il laisse une trace de lui dans les choses, qui en témoignent. Il y a dans le monde des vestiges du divin, et le premiervestige est l'âme de l'Homme, car c'est le reflet de tous les reflets. Aristote (Traité de l'âme, livre II) : "L'âme est à sa façon tous les étants autant qu'ils sont". Le sens du sacré est cette capacité à reconnaître qu'il y a dans le monde des vestiges de ce qui le transcende.
Que peut donc espérer un reflet ? D'être un reflet pas trop infidèle. L'âme religieuse est celle qui conçoit la vie comme la fidélité au principe.
Le sacré est un principe de limitation. Sur la base de la différence première entre l'absolu et le relatif se conçoit un système de limites et frontières à l'intérieur même su relatif. Le monde n'est pas également vestide de Dieu à tous ses degrés. Les frontières du sacré sont des limites qui distinguent différents niveaux de réalité (ciel/terre, juste/injuste,...). C'est l'idée qu'il y a une parition ontologique du monde selon la fidélité au principe. Il y a donc une frontière sacrée entre l'espace profane et l'espace religieux.
Si le sacré est cela, alors l'existence areligieuse est celle qui nivelle tous les degrés de la réalité. L'attitude athée consiste à nier qu'il y ait des distinctions de différents niveux du réel, l'existence de séparations numineuses (sacrées) entre les régions du réel, la subordination de la réalité à un principe transcendant. L'attitude religieuse est le ménagement symbolique du franchissement d'un seuil entre les différents niveaux de la réalité. Le sacré est ce qui exige de nous un sacrifice, c'est-à-dire une purification ou une offrande.

Exercice sceptique : Quelles critiques peut-on formuler à l'égard de la thèse d'Eliade ? De cette attitude religieuse ?

- Si n'est vrai que ce qui est vérifiable ibjectivement, l'idée de Dieu n'étant ni montrable ni démontrable, alors Dieu avant d'être un principe est d'abord une question et peut-être une vague superstition. On peut concevoir une idée de Dieu qui ne soit pas contradictoire, mais cela ne veut pas dire qu'elle ait une référence réelle.
- Si le point de départ est la relativité de l'Homme, alors il n'est pas libre, et la religion n'est qu'un système d'aliénation, comme le dit Marx : "La religion, c'est l'opium du peuple". La religion permet la libération de l'Homme par le renoncement à tout ce qu'il y a de subjectif.


Simondon, Du mode d'existence des objets techniques

Tout ce qui est est relié par un principe d'identification. L'exigence de l'unification se traduit par la quête de la connaissance (théologie) et par une quête comportementale. Système -> Sustema = Organisme. Norme d'action absolue = Valable quelle que soit la circonstance. Impératif hypothétique = Commandement valable pour des circonstances particulières. Il n'y a de religion qu'à partir du moment où l'on pense que l'Homme n'est qu'un relatif, une créature qui a sa raison d'être en dehors de lui. L'univers n'est que l'effet d'une volonté divine.
La morale religieuse est toujours une morale de l'intention et non de l'effectivité. Ce qui donne sa valeur à l'action, c'est la volonté dont elle procède et non l'effet qui en provient, par opposition à l'utilitarisme. Les devoirs religieux promeuvent "la bonne intention". Ce type de morale, dans la philosophie, correspond à la morale kantienne. Selon lui, la morale religieuse ne se préoccupe pas des effets de l'action (ex : vouloir sauver quelqu'un qui fait un malaise et le tuer car on ne sait pas s'y prendre).
La théologie cherche la raison des choses tandis que la science technique cherche à répondre à la question du comment et ne se préoccupe que de formalisations descriptives. Selon St Augustin, l'Homme est fait pour devenir un ange. Il y a une dimorphie de l'exigence de l'unité religieuse : la forme scientifique et la forme morale. Dieu est la seule bonne raison d'agir.
Qu'est-ce que prier ? Trois registres :
- Prière canonique, institutionelle, léguée par la tradition (ex : Notre père)
- Prière personnelle, poétiquement libre (ex : psaumes de David)
- Prière du coeur, sans parole, instinct de transcendance qui traverse le coeur de l'Homme, infralogique.
Exercice spirituel stoïcie = Prière, recueillement, retour en soi qui permet le réinvestissement de l'extériorité. La prière est ce que authentifie la relativité de l'individu. Nous sommes une unité relative dans un Tout beaucoup plus vaste. L'exigence religieuse vexe notre tendance philotique et nous oblige à nous décentrer et à renoncer à l'idée vaine et puérile que nous sommes le principe, alors que nous ne sommes que des rayons qui font les pont entre immanence et transcendance. St Augustin (Les Confessions) : "Dieu est plus intérieur à moi-même que moi-même et plus élevé que les plus hautes cimes de mon âme" : il est à la fois entièrement transcendant à la réalité et plus immanent à la réalité que ce qu'il irrigue secrètement.



CONCLUSION

La culture est un processus d'appropriation, une dynamique historique d'appropriation de l'Homme. C'est le processus par lequel l'Homme laisse sa marque dans le monde afin de savoir qui il est. Se cultiver, c'est apprendre à savoir qui nous sommes.
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